Loin d’être silencieuse ou immobile, la forêt est un monde vivant où les arbres échangent, réagissent et coopèrent. De plus en plus d’études révèlent une forme de communication végétale, souterraine ou aérienne, chimique ou hydraulique, qui modifie notre vision du vivant.
Une communication réelle et mesurable
Le rapport de Fournier et Moulia (2018) fait le point sur les dernières connaissances scientifiques à ce sujet. Il souligne que les arbres émettent des signaux internes (courants électriques, molécules chimiques) capables d’alerter d’autres parties de la plante. Ainsi, lorsqu’une feuille est attaquée par une chenille, elle produit une molécule appelée systémine, transportée par la sève, qui déclenche une réaction de défense dans les autres feuilles. Mieux encore, certaines substances volatiles émises dans l’air alertent les arbres voisins, voire attirent les prédateurs de l’agresseur. Un mécanisme d’alerte sophistiqué qui répond pleinement à la définition d’une forme de communication.
Solidarité souterraine : eau et nutriments partagés
Les arbres partagent aussi l’eau entre eux, comme le montre une étude de Schoonmaker et al. (2007). En cas de sécheresse ou de stress hydrique, un arbre mature peut redistribuer jusqu’à 20 % de l’eau absorbée à ses jeunes voisins grâce aux connexions racinaires ou aux réseaux de champignons appelés mycorhizes. Bien que cette redistribution reste habituellement modeste, elle devient vitale dans des situations critiques.
Mais l’eau n’est pas la seule ressource partagée.
Le carbone : une monnaie d’échange végétale
Dans les régions arctiques, une autre étude (Deslippe et Simard, 2011) a démontré que les bouleaux nains (Betula nana) transfèrent jusqu’à 10 % du carbone issu de leur photosynthèse à d’autres individus via des rhizomes, greffes racinaires et réseaux mycorhiziens. Ce transfert est influencé par la température et pourrait renforcer certaines espèces face au changement climatique, les aidant à mieux dominer leur environnement.
Les « arbres mères », piliers du réseau forestier
Au cœur de ce réseau invisible, certains arbres jouent un rôle de nœuds centraux, parfois qualifiés d’arbres mères. Ils sont généralement les plus anciens et les mieux connectés du système mycorhizien. L’étude de Beiler et al. (2015) a mis en évidence un lien clair entre l’âge, le diamètre d’un arbre et le nombre de connexions qu’il entretient avec d’autres. Plus un arbre est mature, plus son rôle dans le réseau forestier est crucial.
Un réseau vivant et solidaire
Ces découvertes bouleversent notre perception : les arbres ne sont pas de simples organismes isolés, mais les éléments d’un réseau d’interactions sophistiqué, solidaire et adaptatif. Une intelligence collective végétale, discrète mais puissante, qui assure la résilience de nos forêts face aux défis du climat.
Source: Manuel, Clara. La méthode Miyawaki – Chiffres & concepts. Pour le compte d’Urban Forests, 2020.